Pour Suivre Grégory (VIII)

Publié le par Pr Nico Lestairol & Dr Georges Cloonesque

"Une année dans la peau de Grégory Bourillon" (ou l'itinéraire d'un enfant pas comme les autres)


Chapitre 8 : Evidemment, c'est l'hiver


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«Allez, vas-y !»

-  «Mais non Farida, je peux pas faire ça…»

-  «Tu vas le faire oui ?! Vas-y j’te dis, ils sont bien coupants là, j’ai envie.»

-  « Farida, s’il te plait… J’ai pas la tête à ça, là…»

«Mais j’en ai rien à faire moi de tes problèmes de mercato à Saint-Etienne, mets-moi une fessée avec les crampons !»

-  «Bon, ok…»

 

Grégory s’exécuta, et fessa sa petite amie Farida avec les chaussures que leur avait offert Sébastien Chabal après la rencontre contre les Barbarians. Mais il n’avait pas le cœur à l’ouvrage. Après 3 minutes de fessage sans entrain, il s’arrêta.

 

«Ecoute Farida… faut qu’on parle je crois.»

-  «Qu’est-ce qu’il y a encore ?»

-  «Il faut qu’on parle, de nous deux. Je ne suis plus sûr de vouloir continuer cette relation.»

-  «Comment ça ? Tu veux qu’on casse ?»

«Non, enfin, je sais pas… je t’aime encore ma petite hyène des sables, je te promets, mais je crois qu’on est trop différents tous les deux.»

-  «Ah non, me refais pas ce coup là hein ! C’est toi qui est venu vers moi et maintenant j’te kiffe grave, donc tu restes !»

«Mais je veux plus faire des choses comme ça…»

-  «Rien à foutre, on est ensemble et moi j’aime quand tu me fais mal. T’as voulu m’avoir, maintenant tu m’as. Moi je suis raide dingue de toi, raide dingue car tu vois, c’est la première fois pour moi.»

-  «Et c’est comme cette manie de placer des paroles des G-Squad dans tes phrases, tout le temps… c’est chiant à force tu sais.»

-  «Tu critiques les G-Squad là ? Comment oses-tu faire ça ? Moi, je suis ton cobaye, mes trains déraillent quand je plonge dans tes yeux comme un chercheur d’or, je trouverai la faille derrière tes murailles.»

-  «C’est bon, t’as fini ?»

-  «Les G-Squad ne sont pas finis ! Ils reviendront !»

-  «Mais nan, c’est pas ça, mais… bon, écoute, tu ferais mieux de rentrer chez toi là, faut que j’appelle mon agent de toute façon.»

 

Farida partit en claquant la porte, comme souvent ces derniers temps. Leur relation battait de l’aile et Grégory en avait parfaitement conscience : des caractères trop différents et une jalousie excessive les éloignaient irrémédiablement l’un de l’autre. Cependant, cela n’était pas sa principale source d’inquiétude en ce moment. Il avait de toute façon déjà fait le deuil de sa liaison avec Farida à Noël dernier, lorsqu’elle avait envoyé sa mamie à l’hôpital sous prétexte que celle-ci avait embrassé Grégory sur le front. Qu’elle l’oblige à l’accrocher au poteau de but et lui envoyer des frappes dessus passait encore. Qu’elle lui demande de la fesser avec des crampons de rugbyman, c’était étrange, mais pourquoi pas. Par contre, s’attaquer à sa mamie, Grégory n’avait pu le supporter.

 

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 On l’attendait tous, la collection automne-printemps des Ultras du PSG est enfin disponible.

 

 

 

Non, Grégory Bourillon avait d’autres problèmes en ce moment que de satisfaire les pulsions masochisto-perverses de sa petite amie. Il y a quelques jours de cela, une rumeur apparue sur le site www.maxi-transferts365.com avait annoncé son départ imminent du PSG pour Saint-Etienne. Et ça, ça avait de quoi déstabiliser n’importe quel joueur de foot, aussi médiocre soit-il. Dans un geste de dépit, Grégory prit son téléphone portable et appela son agent.

 

«Salut Léon, je te dérange pas ?»

«Hey, salut Grég’ ! Non tu déranges pas, on prend l’apéro avec les potes là.»

«L’apéro ? Mais Léon, il est 08h30…»

 

Léon Kerploubennec était l’agent de Grégory Bourillon depuis le tout début de sa carrière. Grégory l’aimait beaucoup et lui faisait entièrement confiance. Le seul problème avec lui c’est qu’il n’avait pas de licence d’agent officielle, parce qu’en réalité c’était simplement un ami de la famille de Grégory qui avait un BTS Compta, et qui avait gagné le droit d’être l’agent de Grégory après un concours de 100mètres-chouchen dans un bar de Ploërmel. Mais il était gentil, bien que sévèrement alcoolique. Bref, il était breton quoi.

 

-  «T’as des nouvelles alors ? C’est vrai cette histoire de Saint-Etienne ?» demanda Grégory.

«Roooh, oui, t’as vu cette affaire, c’est dingue hein ?»

-  «T’as reçu des coups de fil toi, quelque chose ?»

-  «Non, personne m’a appelé… mais là en fait mon portable a plus de batterie, et la seule prise qu’on a ici on s’en sert pour la machine à décapsuler électronique. Tu verrais l’engin, c’est magnifique, on en est au 7ème pack et ça décapsule tout seul les…»

-  «Oui, oui, je sais, Sylvain Armand a la même. Mais sérieusement, tu crois que c’est vrai cette rumeur ?»

«Bah c’est maxi-transferts365.com qui l’a sortie quand même…»

«Mais c’est pas possible, pourquoi ils me veulent moi ? Je veux pas aller là-bas, je connais rien de cet endroit, je parle même pas leur langue.»

«Ah ça c’est clair que quitte à faire un transfert à l’étranger autant aller à Auxerre, au moins ils ont du bon vin.»

«Et ça se ferait comment le transfert, tu sais ? Ils proposent combien ? C’est quoi la monnaie qu’ils utilisent là-bas d’ailleurs ?»

«Je sais pas… ils en sont encore au troc je crois. A priori ils voudraient t’échanger contre Mirallas et Varrault. Le truc, c’est que Kombouaré a l’air intéressé.»

«Bon écoute, si on t’appelle tu dis que je veux pas ! Je suis bien au PSG moi, ils ont le chauffage, de la nourriture, et tout mes copains sont ici.»

«Ah, tu t’en ais fait finalement ?»

«Oui, nan, enfin façon de parler quoi… Donc bref, c’est non, moi je reste au PSG. Les mecs ils sont obligés de jouer dans un chaudron tellement il fait froid chez eux, donc c’est bon hein, ça va, je suis mieux ici.»

«OK, bah si j’ai du nouveau je te dirais. Bon, je te laisse là, on va lancer une partie de Trivial Pure-Cuite. T’embrasseras ta maman de ma part.»

«D’accord Léon, à bientôt.»

 

Grégory raccrocha fébrilement le téléphone. Le spectre d’un transfert à Saint-Étienne rodait toujours, à son grand désarroi. Il avait tellement entendu de choses horribles au sujet de cet endroit : le soleil qui ne se lève qu’une fois par an comme au Pôle Nord, le fait que tous les films de zombies soient tournés là-bas parce qu’ils ont déjà les décors et les acteurs, les enfants du coin obligés de manger des galettes de terre durant la moitié de l’année, et des brocolis pendant l’autre. Et aussi leur club de foot encore plus mal géré que les Créteil Lusitanos, avec leurs supporters habillés tous en vert pour rappeler l’époque où il y avait encore des arbres dans le coin. Non, clairement, il était hors de question pour lui d’aller là-bas.

 

 

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 Pour Noël, les stéphanois se font plaisir avec cet alléchant plat typique de la région.

   

 

Un malheur n’arrivant jamais seul (surtout en période de mercato, comme par exemple Everton&Souza, Coridon&Pichot…), deux jours plus tard le PSG devait se fader un match de 32ème de Coupe de France contre une CFA2. Et comme par hasard, c’était contre Aubervilliers, le club formateur de Farida (NDLA : cf. chapitre7). Grégory avait espéré pouvoir jouer pour montrer à Saint-Etienne qu’il n’avait même pas le niveau CFA2, mais Antoine Kombouaré préféra donner sa chance à Sammy Traoré, qui sût parfaitement la saisir. Grégory dû donc passer prés de 2 heures assis sur le banc de touche, dans le froid. Luyindula mis un doublé en première mi-temps, histoire de bien signifier à tout le monde que si même lui y était arrivé c’est que c’était pas pendant ce match qu’on atteindrait des sommets de technique défensive. En plus, le petit Clément Chantôme, le seul avec qui Grégory s’amusait des fois sur le banc, était sur la pelouse. Grégory se demanda bien pourquoi d’ailleurs, vu comment il ne faisait rien. Peut-être qu’Antoine avait oublié de lui donner des consignes, du coup il ne savait pas quoi faire et préférait rester planter là au milieu du terrain. Et cerise sur le gâteau, Farida était venu avec toute sa famille et ses amis d’Aubervilliers, ce qui représentait à peu prés 90% des 13 000 galériens qui étaient venus voir ce match un dimanche soir. Déjà qu’il s’ennuyait ferme, il eut en plus à supporter les « Pariiis est gik-ma » et les « Wesh wesh, Ville Lumière » beuglés par une horde de décérébrés assis juste derrière lui.

 

Une fois le match terminé et rentré chez lui, Grégory s’allongea sur son lit et envoya un texto à Léon : «On m’a dit que Strasbourg cherchait quelqu’un, tu crois que c’est bien ?». Pauvre Grégory Bourillon…

 

Publié dans Niais visage for men

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